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Dès la fin du dix-neuvième siècle,
les travaux d’Élie Metchnikoff et de Paul Ehrlich démontrèrent
que les réactions immunitaires mettent en jeu deux catégories
d’effecteurs, des cellules et des molécules. Ces travaux, qui leur
valurent le prix Nobel de médecine en 1908, ont conduit à
la distinction aujourd’hui classique entre réactions immunitaires
à médiation cellulaire, assurées par divers types
de leucocytes et réactions immunitaires à médiation
humorale, assurées par les anticorps.
Si l’identification et l’étude de diverses molécules intervenant
dans les réactions immunitaires à médiation humorale
est rendue aisée par la mise en œuvre de techniques in vitro
(électrophorèse,
immunoélectrophorèse, double
diffusion en gel, hémagglutination,
hémolyse
immune, tests ELISA, etc.), il n’en est pas de même quand on
désire étudier les cellules immunitaires. L’interdiction
d’utiliser des produits du corps humain et d'expérimenter sur des
vertébrés vivants qui s’applique dans l’enseignement limite
l'étude des cellules immunitaires à l'observation au microscope
optique de frottis de sang ou de moelle osseuse et de préparations
microscopiques d’organes immunitaires.
Toutefois, les mécanismes immunitaires des vertébrés
ayant évolué à partir de mécanismes primitifs
vraisemblablement présents chez les invertébrés les
plus anciens, on retrouve chez les invertébrés actuels, en
particulier chez les annélides, les mollusques et les insectes,
des éléments du système immunitaire qui partagent
des caractéristiques communes avec ceux des vertébrés.
Des cellules participant chez les vertébrés à l’immunité
innée, non spécifique, se retrouvent ainsi chez les invertébrés.
C'est notamment le cas de certains cœlomocytes capables, comme les macrophages,
de phagocytose. Les invertébrés offrent ainsi des modèles
alternatifs à l'étude de certains mécanismes immunitaires.
Les vers de terre présentent des réactions immunitaires
complexes, cellulaires et humorales, qui dépendent de cellules et
de molécules présentes dans le liquide cœlomique de l'animal.
Différents types de cœlomocytes y sont présents, notamment
des phagocytes, dont certains sont doués de deux propriétés
fondamentales de l’immunité acquise, la spécificité
et la mémoire.
Le liquide cœlomique contient également du lysozyme, des agglutinines,
des hémolysines, des peptides antimicrobiens, des protéases
et même des protéines capables de détruire des cellules
cibles en formant des pores dans leur membrane comme le font les perforines
ou le complément chez les vertébrés. C’est pourquoi
le ver de terre constitue un modèle intéressant pour l’étude
de certains aspects de l’immunité qui peuvent ainsi être abordés
de manière expérimentale.
On trouvera ci-dessous une technique de prélévement des
cœlomocytes de ver de terre qui peut être utilisée aussi bien
pour l'observation des cellules vivantes et l'étude de la phagocytose
in
vivo ou in vitro que pour préparer des frottis fixés
et colorés.
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Prélèvement du liquide
cœlomique
Le liquide cœlomique des vers peut être récolté de
deux façons :
Étirer la partie capillaire d’une pipette Pasteur à la flamme
de façon à former une extrémité pointue et
creuse.
Laisser refroidir et placer une tétine sur la pipette.
Anesthésier un ver de terre en le plaçant pendant quelques
minutes dans l'éthanol à 10 %.
Introduire la pointe de la pipette dans la cavité générale
du ver entre le tube digestif et la paroi du corps.
Lorsque la pointe se trouve dans la cavité cœlomique, le liquide
cœlomique monte dans la pipette par capillarité sur quelques millimètres.
Retirer la pipette du ver et chasser le liquide receuilli dans une
goutte d’une solution de NaCl à 0,7 % placée sur une lame
porte-objet.
Si le liquide qui monte par capillarité dans la pipette est
brun foncé à noir, c’est que la pipette a pénétré
le tube digestif et le liquide obtenu est à rejeter.
Recommencer plusieurs fois l’opération pour récolter
une quantité suffisante de liquide. Quelques gouttes sont suffisantes,
qu’il s’agisse d’observer des cellules vivantes ou de préparer un
frottis.
Il est nécessaire de mélanger le liquide cœlomique
avec un volume à peu près équivalent de solution de
NaCl pour éviter sa coagulation et la formation de paquets de cellules
qui adhèrent entre elles.
Anesthésier un ver de terre en le plaçant pendant quelques
minutes dans l'éthanol à 10 %.
Faire une entaille dans la paroi de l’extrémité postérieure
du corps avec des ciseaux fins.
Attendre quelques dizaines de secondes et laisser exsuder le liquide
dans une goutte d’une solution de NaCl à 0,7 % placée sur
une lame porte-objet.
Là encore, il est nécessaire de mélanger le liquide
cœlomique avec un volume à peu près équivalent de
solution de NaCl pour éviter sa coagulation et la formation de paquets
de cellules qui adhèrent entre elles. |
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Observation des
cœlomocytes
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Observer les cellules vivantes
Après le prélèvement, placer la lame porte-objet pendant
une demi-heure dans une chambre humide, le temps que les cellules vivantes
adhèrent à la lame.
La chambre humide est réalisée avec une boîte de
Pétri dont le fond est tapissé de papier absorbant saturé
d'eau.
On peut observer les cœlomocytes vivants
directement sans coloration et sans lamelle au grossissement moyen du microscope
optique mais la durée d'observation est limitée par l'évaporation
du liquide.
Pour observer plus longtemps et/ou à plus fort grossissement,
il est nécessaire de placer une lamelle sur la préparation
mais de manière à ce qu'elle n'écrase pas les cellules.
Pour cela, faire reposer la lamelle sur deux cales formées soit
avec deux autres lamelles collées aux extrémités de
la lame, soit avec des miettes de pâte à modeler disposées
à chaque coin de la lamelle.
Il est possible d'observer les cellules vivantes
directement sans coloration et de suivre leurs mouvements au cours du temps
mais il est alors difficile d'identifier les différents types de
cœlomocytes. |
Cœlomocytes de ver de terre
(observation vitale x 250)
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Cœlomocytes de ver de terre
(observation vitale x 400)
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Cœlomocytes de ver de terre
(observation vitale, objectif à immersion
x 1000)
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Observer les cellules colorées
Une simple coloration par le bleu de méthylène permet de
distinguer différents types de cœlomocytes par la forme des cellules
et la façon dont elles prennent le colorant.
Une goutte de solution de bleu de méthylène à
0,1 % est mélangée sur la lame avec le liquide
cœlomique et une lamelle est mise en place après cinq minutes de
coloration. Les clichés ci-dessous montrent les résultats
obtenus. |
Cœlomocytes de ver de terre
(coloration par le bleu de méthylène
x 250)
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Cœlomocytes de ver de terre
(coloration par le bleu de méthylène
x 400)
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Réalisation de frottis fixés
et colorés
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La méthode utilisée pour colorer les
frottis sanguins de vertébrés est également utilisable
pour colorer les frottis de liquide cœlomique et c'est la méthode
la plus appropriée pour distinguer les différents types de
cœlomocytes en microscopie optique.
Les clichés ci-dessous ont été obtenus avec des
frottis de liquide cœlomique de ver de terre colorés par une variante
de la méthode de May-Grünwald-Giemsa exposée par ailleurs
sur ce site (voir
: réalisation d'un frottis sanguin). |
Frottis de liquide cœlomique
(Coloration de May-Grünwald Giemsa x 250)
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Frottis de liquide cœlomique
(Coloration de May-Grünwald Giemsa x 250)
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Noter la diversité des cœlomocytes qui se distinguent
par la forme, la taille, l'aspect du cytoplasme et du noyau. |
Frottis de liquide cœlomique
(Coloration de May-Grünwald Giemsa x 400)
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Frottis de liquide cœlomique
(Coloration de May-Grünwald Giemsa x 400)
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Frottis de liquide cœlomique
(Coloration de May-Grünwald Giemsa, objectif à immersion
x 1000)
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Quelques types de cœlomocytes
(Coloration de May-Grünwald Giemsa, objectif à immersion
x 1000)
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Observation
de la phagocytose
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Pour observer la phagocytose, le liquide cœlomique est
prélevé sur une lame porte-objet comme indiqué ci-dessus
et une goutte d'une suspension de levures à 1 % est mélangée
avec liquide cœlomique, directement sur la lame. Après 30 minutes
d'incubation en chambre humide, les cellules peuvent être observées
directement, avec ou sans coloration, ou après réalisation
d'un frottis fixé et coloré.
La forme ronde et la taille des cellules de levure (3 à 4 µm
de diamètre) permettent de les identifier aisément y compris
à l'intérieur des cellules qui les ont phagocytées. |
Cœlomocytes de
ver de terre en présence de
cellules de levure Saccharomyces cerevisiae
(observation vitale x 400)
Noter les cellules de levure incluses dans le cytoplasme
de l' un des cœlomocytes. |